Les Grandes Personnes Joseph ZOBEL vu par...
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Diab’-la : lu par une suisse italophone C’était bon, ce punch-là… Tout de suite, plongée dans les rites martiniquais, décrits par Zobel avec des mots d’une poésie captivante, difficiles à comprendre pour une néophyte du monde créole. Zobel a été mon initiation fortuite mais essentielle, rien ne pourra remplacer «Diab’-là» et «Rue case nègre» dans ma perception de l’âme créole. Man Mano me conduit aux sensations fortes et pimentées: quelle envie de goûter au trempage à la morue. Dommage, ça est demeuré que du pur désire, rien d’autre! J’attends encore qui puisse me donner ces sensations gustatives, exclusivement imaginées. Diab’-la est une source de surprises, riches d’une humanité universelle, ardu pour moi choisir lesquelles présenter. Après avoir fuit la canne, Diab-la cherche une nouvelle vie au milieu d’une communauté de pêcheurs, qui l’accueillent avec une certaine curiosité mais prêtes à l’accepter, ils lui demandent s’il veut participer à la pêche, lui, le «terrien», ne peut que prouver aux nouveaux amis, que la terre est aussi source de vie comme la mer, pourvu qu’on la côtoie avec fatigue, patience et amour, elle donne tous ce qu’il faut pour vivre bien. Il trouve en Fidéline sa femme, dès la première nuit, elle découvre en lui la beauté d’un homme fort, bien fait, elle sera sa compagne orgueilleuse, fidèle, grande travailleuse, et partagera avec lui les fruits de leur entente, vers la fin du livre on nous dit doucement de son état de future mère. Un jour, Diab’-la, demande aux pêcheurs de «mettre un peu de joie en terre!» Quelle hardiesse pour tous ces pêcheurs voués qu’à la mer ! Pour l’aider, ils défrichent au son des tam-tam, heureux d’aider tous ensemble un nègre comme eux. «Si un beau jour tous les nègres du monde voulaient se donner un coup de main comme ça, les uns les autres, quelle sacrée victoire, hein!» Le carême, dessèche la terre apportant des soucis à Diab-la, en même temps, la mer commence à annoncer ses dons, les pêcheurs se sentent pris de l’envie d’aller à Michelon, Ti-Féfé part comme premier avec Génor, qui devait bientôt s’épouser, et Ti-Soun, un garçons, unique soutien d’une mère malade. Les trois ne retourneront plus, le petit avait dit avant de partir: « Maman demain je vais à Miquelon » « Miquelon est trop fort pour toi, tu vas être malade » lui avait répondu sa mère. Tout le village partage l’angoisse et la souffrance des proches des trois dispersés, on cherche des raisons d’espoir, mais, un beau matin, tous les hommes, oubliant la douleur de la maman du petit Soun, partent quand même pêcher et au retour leur bonheur pour la bonne réussite est dans tous leurs gestes. La mer, d’un côté, prend, de l’autre, redonne. Diab’-la connait enfin un capitaine à la retraite, Capitan’-la, qui avait épousé une femme du village. Pendant leur première rencontre, ils se découvrent tous les deux en combat pour l’émancipation des nègres. Lorsqu’ils boivent un punch, une voix d’enfant répète : « La Seine arrose…», le commentaire du capitaine est «C’est enfant n’a que huit ans, écoutez-le ! Il étudie la France .» , lisant ces paroles indignées, je découvrais avec surprise les méthodes pédagogiques imposées par l’ancien colonisateur, mon cœur gonfla d’amertume comme celui du Capitan’-la. Ensuite, tout le village accepte avec enthousiasme la proposition innovatrice d’organiser des soirées de bal, l’organisateur doit choisir parmi les participants à qui accorder l’honneur de préparer la soirée suivante. Diab’-la est le premier et pour la deuxième session il choisit le couple Clovis. Vers la fin de cette deuxième fêtes, lors que Madame Clovis se retire dans sa chambre, elle découvre deux jeunes dans son lit, dégoutée, fâchée, elle s’évanouit. La fête semble irréparablement gâchée, mais Diab’-la trouve les justes mots pour convaincre Madame Clovis à accepter ce qui c’était passé : « …D’ailleurs quand les békés s’amusent, cé la même chose qui se passe. Ca même en France ! » Ma spontanée pensée est : Pourquoi des nègres libres ont-ils besoin de se justifier recourant à la figure du maître-colonisateur ? Un jour, après avoir trouvé un beau couronné dans son casier, Capitan-la monte visiter Fidéline et son compagnon, il les trouve en plein travail, la joie immédiate, sincère de l’accueil, me fait rêver d’être avec eux. La femme prépare les poissons reçus et les sert avec une igname récoltée pour l’occasion. Fidéline et Diab’-la devant leurs deux couis et Capitain-la devant l’unique plat d’aluminium de la maison, sont pris d’une émotion subite et paralysante, c’est l’étreinte trop forte du bien-être qui les embarrasse, Capitan-la coupe le silence, s’exclamant « - Ah ! que c’est bon ! », suit une description alléchante du repas. Après les deux amis entament une conversation qui les emmène à considérer qu’il est temps que les nègres prennent leur destin dans leurs mains : « …ce que je veux dire, cé que ça doit changer à partir d’aujourd’hui !.. » « …je dis qu’il nous faudra faire cesser tout ça, changer tout ça, arranger tout ça. Oui, recommencer, pour mettre nos plants et semer des grains à nous et pour nous-mêmes. » Leurs mots nous aident à découvrir le désire d’autodétermination enfermé dans chaque homme, qui avait été si brutalement nié aux esclaves. Fidéline, heureuse de son état, les détourne de leurs mots de combat, les invitant à écouter les murmures des branches d’un manguier, les deux hommes poursuivent leur conversation lentement comme « un hymne d’espoir devant une aube nouvelle ». _______________________________ A propos de Francesca PALLI Suissesse italophone du Tessin, au Sud des Alpes, Francesca PALLI est professeure de Chimie et de Biologie dans un lycée. Découvrant la Réunion et la Martinique lors de vacances en 1996, aussitôt séduite par les cultures créoles, Francesca PALLI a finalement mis ses compétences de webmestre au service du site Kapes Kreyol en 2002. C'est avec une abnégation seule égalée par sa passion que Francesca a contribué de façon remarquable au développement des ressources créolophones sur le Web. Une interview de Francesca PALLI pour ANTILLA est lisible sur le site Potomitan, qu'elle a plus que contribué à créer.
Site hommage créé par Alfred Largange
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